Retour

De : Francesca Sacco Journaliste indépendante, Genève.

42 kilomètres à pied, ça n'use pas que les souliers

  (Mise à jour)

          « A travail égal, salaire égal », dit la loi fédérale sur l'égalité, qui stipule que les hommes et les femmes sont égaux en droit. Ce n'est visiblement pas le cas dans la course à pied où, à nombre de kilomètres égal, les femmes gagnent souvent 30 à 50% de moins que les hommes.

         Certains tenteront de rationaliser : « C'est normal, les hommes sont plus rapides » ou : « ils attirent davantage de spectateurs ». Mais en examinant les quelque 40 grilles de primes reproduites dans ce document (sur plus de 70 épreuves contactées dans le monde entier), on s'aperçoit que la façon dont les primes hommes/femmes sont fixées peine à trouver une explication logique.

         Comment se fait-il qu'au marathon de Naples, les femmes handicapées ont droit à l'égalité des primes hommes/femmes, mais pas les coureuses valides ? Comment expliquer que dans les épreuves qui comprennent un marathon et un semi-marathon, les femmes ont généralement droit à un traitement plus équitable dans le semi (alors que les deux courses se déroulent le même jour et sur le même parcours) ? Comment expliquer enfin que le marathon de Rome accorde l'égalité des primes, alors qu'au marathon de Turin la gagnante reçoit 50% de moins que le gagnant ?

 Résumé de la politique des primes des épreuves passées sous revue dans la présente enquête
On trouve les deux extrêmes suivantes :
1)  Les primes sont égales pour les deux sexes et le nombre d'athlètes récompensés est le même dans les deux catégories.

Exemples en Suisse : Morat-Fribourg, Sierre-Zinal, semi-marathon de Payerne, Swiss alpine post marathon, semi-marathon de Schwytz, semi-marathon de l'enfer du Schilthorn, semi-marathon de Nidau, LGT Alpin marathon.

Exemples à l'étranger : marathon de Rome, semi-marathon de Marseille, 15 km d'Istanbul, marathon de Chicago, marathon de New-York, marathon de Vancouver, marathon des deux Océans (Afrique du Sud), marathon de Francfort, marathon de Valence.

2)  Les primes sont plus basses pour les femmes et elles sont moins nombreuses que les hommes à être récompensées.

Exemples en Suisse : marathon de Lausanne, Grand Prix de Berne, marathon de Tenero, semi-marathon de Campione.

Exemples à l'étranger : marathons de Lyon, Turin, Naples, Cesane Boscone,semi-marathon de l'Humanité, course de Marjevols-Mende.

Entre ces deux extrêmes, il existe des nuances : certaines épreuves accordent l'égalité des primes pour les trois premiers rangs, les montants étant ensuite plus bas pour les femmes ; d'autres attribuent des primes moins élevées pour les femmes mais récompensent le même nombre de personnes dans les deux catégories.

Exemples en Suisse : 20 km de Lausanne, semi-marathon de Tenero, marathon de Bâle.

Exemples à l'étranger : marathon de Berlin, marathon de Marseille, marathon de La Rochelle, marathon d'Istanbul.

I.  Un exemple précis: les primes d'arrivée du marathon de Lausanne

Hommes

 

Femmes

 

1er

Fr. 5000

1ère

Fr. 3000

2e

Fr. 3500

2e

Fr. 1500

3e

Fr. 2500

3e

Fr. 800

4e

Fr. 1500

4e

Fr. 600

5e

Fr. 800

5e

Fr. 400

6e

Fr. 600

6e

-

7e

Fr. 400

7e

-

8e

Fr. 200

8e

-

II.  La situation générale dans le monde

Il existe trois grandes classes de marathons:

         Les marathons de classe mondiale (Chicago, Berlin, Rotterdam, Boston, Londres, Amsterdam, New-York…). Les meilleurs athlètes mondiaux  y participent. Ce sont des marathons dits “rapides” parce qu'on y effectue des performances (record mondial à Berlin pour les femmes et à Chicago pour les hommes). Leur budget est important et, généralement, les primes d'arrivée sont égales pour les hommes et les femmes, en tout cas dans le haut du classement. La participation féminine à ces marathons est bonne (pas loin de 50% à Chicago!).

         Les marathons de classe moyenne (Lausanne, Lyon, Reims, etc.). Ils offrent peu de perspectives de performances; leur budget risque d'en pâtir. Dans cette catégorie, les primes d'arrivée pour les femmes sont le plus souvent très inférieures à celles des hommes (35% à 50%), mais ce n'est pas une règle absolue (cf. Rome, Istanbul…).  Certains ont réussi en occupant un créneau particulier, comme le marathon des Châteaux du Médoc, où les prix sont remis sous forme de vin. Les petits marathons, comme le marathon du Groenland. Leur budget est très restreint mais, sans possibilité de prétentions au niveau des performances et sans grandes ambitions de développement, ils accordent souvent des primes égales aux deux catégories.
 

III. Les raisons invoquées pour justifier l'inégalité des primes hommes-femmes

         Les arguments le plus fréquemment avancés pour justifier le fait que les femmes reçoivent des primes inférieures sont au nombre de deux :

Premier argument :

         Les femmes sont moins rapides que les hommes: le record mondial est de 2 :20 :43 chez les femmes (établi en 1999) et de 2 :05 :42 chez les hommes (1999 également).

Deuxième argument:

         Les femmes sont beaucoup moins nombreuses à participer que les hommes, ce qui signifie que la concurrence est moins forte dans leur catégorie. Par conséquent, il est « plus facile » pour une femme d'arriver dans les dix premières (par exemple) que pour un homme de se classer parmi les dix premiers.

Troisième argument:

         L'inégalité des primes est justifiée par des impératifs économiques (« business is business »)

         En fait, tous les arguments invoqués ont été trouvés à posteriori. Ils servent à justifier la situation, mais ne la motive pas. L'organisateur du marathon de Reims, qui a décidé en 1999 d'introduire l'égalité des primes pour les deux sexes, le démontre bien quand il dit : « En fait, on n'avait jamais vraiment réfléchi à ça (la raison pour laquelle les primes étaient inégales) ». Cette décision a été prise, explique-t-il, « parce qu'on a senti le vent tourner » – allusion à l'impopularité grandissante des inégalités de traitement. Il faut dire qu'on l'y avait aussi un peu poussé: une plainte avait été déposée l'année précédente en raison de l'inégalité des primes hommes/femmes et français/étrangers. L'organisateur a préféré donner satisfaction au plaignant avant d'arriver au tribunal (voir ci-après « Le procès de Reims »).  

IV. Les contre-arguments

Réponse au premier argument cité (les hommes sont plus rapides que les femmes):

         L'idée selon laquelle il est juste que l'homme reçoive davantage parce qu'il court plus vite implique une dépréciation de la femme en raison de son sexe. Les femmes ne possèdent pas le potentiel musculaire des hommes. Si les records masculins et féminins ne sont pas égaux en chiffres absolus, du moins pourrait-on espérer qu'ils soient considérés de valeur équivalente. Or, l'inégalité des primes signifie clairement que la performance masculine a plus de valeur que la performance féminine.

Réponses au deuxième argument cité (les femmes sont moins nombreuses) :

         Le fait que les femmes soient moins nombreuses que les hommes peut éventuellement justifier la rétribution d'un moins grand nombre d'athlètes dans leur catégorie (les 50 premiers et les 25 premières, par exemple),mais cela ne justifie pas l'inégalité des montants.

         S'il est « plus facile » pour une femme de bien se classer du fait de la moindre concurrence dans sa catégorie, ceci ne joue que pour les coureuses qui sont très fortes, car il n'est pas plus facile pour une femme de courir en 2 :25 que pour un homme de courir en 2 :10. On peut même soutenir le raisonnement opposé, à savoir qu'il est « plus facile » pour les hommes de niveau amateur de finir classé, car le temps limite pour franchir la ligne d'arrivée – le plus souvent 5 ou 6 heures – privilégie nettement les hommes : en effet, s'il est tout à fait honorable pour une femme de niveau amateur de terminer en 4 heures, ce n'est pas le cas pour un coureur amateur. On pourrait même s'étonner qu'il n'existe pas un temps limite différent pour les hommes et les femmes (voire note 1 en fin de texte).

 Les femmes ont été interdites de courses populaires et de marathon olympique jusqu'à un passé relativement récent (J.O. 1984). Sachant qu'elles ont été interdites de compétition pendant si longtemps, il est extrêmement cruel de dire, aujourd'hui, qu'elles ne méritent pas les mêmes primes que les hommes parce qu'elles sont moins nombreuses qu'eux. 

Réponse au troisième argument cité (l'inégalité des primes est justifiée par des impératifs économiques) :

          Le dopage aussi est imputable aux enjeux financiers du sport. D'ailleurs, jusqu'en 1983, les Etats-Unis et le Canada ont refusé de mener des campagnes contre le dopage sous prétexte qu'il s'agissait de « manifestations contraire à l'esprit de libre entreprise ». En fin de compte, les personnes qui utilisent l'argument des règles économiques ne font que dresser un constat d'échec.

         Relevons que l'organisateur du marathon de Lausanne, interrogé sur les raisons pour lesquelles les primes d'arrivée sont inégales entre les deux sexes dans son épreuve, a répondu: “Il n'y a pas de raisons. C'est un choix. Il y a des marathons qui investissent davantage sur les hommes que sur les femmes, chacun axe sa course selon son choix ”. Fait piquant, la promotion du marathon de Lausanne n'est pas assurée par un homme, mais par une femme, la française d'origine russe Irina Kasakova, gagnante à plusieurs reprises : c'est elle qui figure notamment sur l'affiche officielle, les dépliants et le site internet de l'épreuve. 

V.  La participation féminine

         La participation féminine aux marathons internationaux varie passablement d'une épreuve à l'autre, allant de 10% à plus de 50%. On ne sait pas toujours très bien à quoi attribuer ces résultats. Il semble que la notoriété de l'épreuve ne soit pas un facteur d'attraction déterminant pour les femmes.

         Quelques exemples de pourcentages : Vancouver 52%, Chicago 43%, Payerne ~30%, Londres ~20%, Swiss alpine post marathon ~20%. D'une manière générale, le problème n'est pas que les femmes ne pratiquent pas la course à pied. Environ 75% des nouveaux abonnés à Runner's world magazine lors de ces quatre dernières années sont des femmes. Mais entre le jogging matinal et la compétition, il y a un pas qui semble plus difficile à franchir pour elles. Il s'agit donc de déterminer ce qui les retient de participer et si ces facteurs « en amont » doivent être pris en considération. Les explications possibles à la faible participation des femmes sont :

         Le partage des tâches encore inégal au sein des couples. Selon l'édition de janvier 2001 du magazine  « Sciences humaines »,  les femmes endossent les deux tiers du temps parental (25 h/semaine), contre un tiers pour l'homme (13 h).  « Si l'on additionne temps de travail et temps parental, les femmes ont une semaine de 62 h. et les hommes de 54 h 30 ». Le mensuel souligne que « plus la charge domestique augmente, moins les hommes en font: un homme qui vit seul sans enfant consacre 2 h 13 aux tâches domestiques. Par contre, le père de famille de deux enfants, dont l'un a moins de 3 ans, n'y consacre qu'1 h 30 ». De plus, une femme qui “usurperait” à l'homme la liberté de planter son partenaire à la maison avec les enfants risquerait d'être soupçonnée de “porter la culotte”.

         Les femmes reçoivent moins d'incitations à faire du sport, car l'effort physique est encore largement associé à la virilité. Une femme qui fait du sport est considérée comme féminine malgré le fait qu'elle fasse du sport, alors que pour un homme, la pratique sportive constitue une sorte de “valeur ajoutée” à sa virilité.

         On pourrait ajouter à cela l'autorisation relativement récente des femmes dans le marathon : on ne rattrape pas en une quinzaine d'années une ségrégation qui datait d'un siècle.

         Si l'on accepte de tenir compte de ces facteurs qui se situent « en amont », on s'aperçoit alors que l'on peut retourner l'argument selon lequel il est « plus facile » pour les femmes de bien se classer en raison d'une moindre concurrence dans leur catégorie : s'il y a moins de femmes qui participent, c'est parce qu'il est « plus difficile » pour elles de se lancer dans la compétition. Dès lors, la faible participation féminine peut difficilement justifier l'inégalité des primes : cela reviendrait à décerner un diplôme de moindre valeur à des élèves qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, ont moins de possibilités que les autres de se préparer aux examens.

VI. Le lien entre primes d'arrivée et performances

         Comme indiqué plus haut, certains affirment que les femmes méritent des primes d'arrivée plus basses parce que leurs performances sont moins bonnes que celles des hommes. Dans un bon nombre de marathons, en effet, l'écart entre la première et la cinquième femme est plus important que l'écart entre le premier et le cinquième homme (note 2).*

         Cependant, cette baisse plus rapide des performances au fil du classement n'est pas observée dans les marathons exclusivement féminins où, très souvent, les six premières arrivent en 2 :30 ! (note 3). La raison n'est pas due à un éventuel effet néfaste de la mixité sur les femmes, mais au fait que les marathons féminins accordent des primes de départ importantes (non communiquées) aux athlètes invitées.** Le lien entre primes et performances est si évident que l'organisateur du marathon de Lausanne a décidé une année d'introduire des primes égales « afin d'avoir un record féminin de l'épreuve ». Ce qui fut obtenu l'année en question ! L'inégalité des primes fut aussitôt réintroduite pour les éditions suivantes.

          On peut donc raisonner de deux manières:
-les performances des femmes sont inférieures à celles des hommes = elles méritent des primes moindres ;

-les performances des femmes sont inférieures à celles des hommes = il faut augmenter leurs primes pour obtenir de meilleures performances.

         Il est intéressant de constater que, dans le débat sur la domination des Africains dans la course à pied, les hommes adoptent un raisonnement contraire à celui qu'ils ont avec les femmes: l'utilité, voire la nécessité, de primes d'incitation pour favoriser la participation des Blancs n'est pratiquement jamais contestée. C'est-à-dire que la domination des Kenyans et des Ethiopiens est considérée comme justifiant l'attribution de primes d'incitation pour les Blancs, alors que la supériorité physique des hommes est considérée comme justifiant l'attribution de primes plus basses pour les femmes.

         Cette logique paraît si naturelle qu'une quantité d'organisateurs subordonnent des primes d'arrivée à la possession de la nationalité du pays de l'épreuve (marathon de Turin, Kerzerslauf en Suisse). Il s'agit officiellement de favoriser les athlètes « du terroir ». Cette pratique a valu une condamnation à l'organisateur du marathon de Reims en 1999, dans le cadre de la plainte mentionnée *plus haut. Le tribunal a estimé en revanche que l'inégalité des primes hommes/femmes n'était pas sexiste.  

VII.   La véritable explication: le maintien de l'honneur masculin?

         Dans une société patriarcale, l'égalité entre les sexes est déjà réalisée lorsque les hommes occupent un rang légèrement supérieur par rapport aux femmes : appliquer l'égalité effective reviendrait à introduire un préjudice envers les hommes. Les femmes qui ont connu l'interdiction de participer aux courses populaires rapportent avoir fréquemment vu des hommes manifester de la colère lorsqu'ils se faisaient dépasser par une femme ; si cette réaction est rare de nos jours (peut-être est-elle intériorisée ?), il n'est pas interdit de penser que l'attribution de primes plus importantes pour les hommes soit un moyen de « sauver l'honneur ».

         La supériorité physique de l'homme sur la femme en tant que constituant de la virilité (identité masculine) représente un handicap majeur à la reconnaissance de l'équivalence des performances masculines et féminines. *  

VIII.  La progression des femmes

          On peut expliquer cela par l'amélioration des méthodes d'entraînement au cours des dernières décennies (état des connaissances sur la fréquence cardiaque maximale et la VO2 max, par exemple), dont les pionniers masculins ont été privés.

         Cependant, les femmes ont continué à progresser plus rapidement que les hommes dans de grands marathons après la mise en place de ces nouvelles techniques. Si l'on examine la progression des deux sexes depuis 1983 sur les marathons de Paris, Berlin, Chicago, New-York et Londres, on constate que les femmes ont gagné plus de 34 minutes à Paris (hommes : seulement 4 mn), 14 minutes à Berlin (hommes : 6 mn) et 9 minutes à Chicago (hommes : 2 mn). A New-York, les hommes ont même régressé de plus d'une minute par rapport à 1983, tandis que les femmes amélioraient d'autant leur propre performance. Londres est le seul marathon où les hommes ont gagné plus de minutes que les femmes : trois minutes, contre une pour celles-ci.

Marathon

Hommes
1983                   2000

Femmes
1983                   2000

Paris

2 :12 :38           2 :08 :49

2 :58 :14             2 :23 :43

New-York

2 :08 :59           2 :10 :08

2 :27 :00            2 :25 :45

Berlin

2 :13 :37           2 :07 :42

2 :40 :32            2 :26 :15

Londres

2 :09 :43           2 :06 :36

2 :25 :29            2 :24 :33

Chicago

2 :09 :44           2 :07 :01

2 :31 :12            2 :21 :33

 

     Ce qu'en pensent les marathoniennes professionnelles

         Certaines grandes coureuses (Elana Meyer, Chantal Dallenbach), affirment refuser de participer aux marathons dont les primes d'arrivée ne sont pas égales, mais la réponse de Robert Bruchez, organisateur du marathon de Lausanne, est sereine: « Je les connais (celles qui boycottent) et elles ne m'intéressent pas. De toute façon, on arrive toujours à attirer du monde ».  Un certain nombre de femmes pensent qu'un militantisme apparent nuirait à leur réputation. D'autres, comme Lornah Kiplagat, affirment que la situation  « n'est pas juste » , mais leur priorité en tant qu'athlètes est la rapidité du tracé (elles choisissent donc leurs courses en conséquence).

          Franziska Rochat-Moser dit simplement: « On choisit son marathon ». Puis : « J'ignorais que le marathon de Lausanne n'attribuait pas l'égalité des primes. J'ai participé à la première édition, en 1993. A l'époque, il n'y avait pas de primes. Si c'est vrai que les montants attribués aux femmes sont inférieurs, c'est vraiment mal fait. De toute façon, à mon avis, ils ne pourront pas continuer longtemps comme ça. Aujourd'hui, la tendance dans les grands marathons est d'attribuer les mêmes primes aux deux sexes ».Irina Kazakova, qui aurait négocié un contrat avec l'organisateur du marathon de Lausanne pour la promotion de l'épreuve, n'a pas répondu à nos questions concernant les primes d'arrivée.  

IX.                Le procès de Reims  

         Le plainte adressée contre la marathon de Reims en 1998 est un fait sans précédent dans l'histoire de la course à pied. Pour la première fois, un organisateur se voyait poursuivi en justice en raison de l'inégalité des primes hommes/femmes ! (note 4) Fait intéressant, le plaignant (un homme) a été appuyé par un réseau local de féministes. C'est à notre connaissance la première implication publique des féministes dans la cause des marathoniennes.

         Le plaignant a été débouté : les juges ont estimé que l'attribution de primes supérieures pour les hommes ne constitue pas une discrimination envers les femmes du fait que celles-ci courent dans une catégorie à part.

         On peut toutefois se poser la question suivante : le kilométrage étant le même pour tout le monde, quelle est la différence entre les deux catégories, si ce n'est l'appartenance sexuelle? A leurs yeux, « la véritable injustice aurait été de les faire courir dans la même catégorie », car elles n'auraient alors aucune chance de gagner:

         « La première femme n'est arrivée que 89e ». Ce raisonnement montre qu'il est difficile pour les hommes d'imaginer que les femmes puissent constituer une catégorie à part entière, du moment où elles courent en même temps qu'eux. Lorsque le 7e homme gagne moins que la 4e femme, il se sent fréquemment lésé, car il passe tout de même la ligne d'arrivée avant elle. « J'arrive avant elle, et elle gagne plus que moi ! », se dit-il, persuadé d'être victime d'une injustice. Lors de la dernière édition du marathon de Lausanne, par exemple, la 4e femme, Vreni Drescher, a reçu 600 francs en terminant l'épreuve en 2 :48 :24, tandis que le 7e homme, Jacques Rerat, a gagné 400 francs en passant la ligne d'arrivée en 2 :31 :36. Selon l'avocat de l'organisateur, « traiter de même manière le vainqueur masculin et le vainqueur féminin aboutirait de fait à créer une discrimination envers les coureurs masculins  ».

         Bien que les hommes soient tout à fait conscients de leurs avantages constitutifs (taux de graisse corporel naturellement plus bas et musculature plus dense), il est très rare de les voir évoquer ce point dans la discussion concernant les primes d'arrivée. Pourtant, on pourrait très bien se demander si la distance de 42 km représente le même effort pour un homme et pour une femme – tout comme on pourrait se demander, par exemple, si le fait de soulever un haltère de 50 kg constitue une performance équivalente pour l'un et l'autre sexe. Une étude norvégienne effectuée sur des sportifs d'élite a montré que « le programme d'entraînement des femmes au cours des deux mois précédant le marathon comprenait presque deux fois plus de kilomètres que celui des hommes. Le meilleur état d'entraînement des femmes a été vérifié par les mesures sur la VO2 max » (Sex differences in performance-matched marathon runners, European Journal of Applied Physiology, 61 :433-439, 1990).

         Beaucoup d'hommes en viennent à la conclusion que la suppression de la mixité pourrait constituer une solution à la question des primes d'arrivée. Il est difficile de trouver des femmes qui partagent cet avis. 

X.   La situation juridique en Suisse  

         Il faut savoir tout d'abord que la loi sur l'égalité, qui stipule « à travail égal, salaire égal », ne s'applique pas au domaine des loisirs, dont relève la course à pied. De toute manière, les primes d'arrivée peuvent difficilement être considérées comme une rétribution, quand bien même elles récompensent des athlètes professionnels. Juridiquement, elles relèvent plutôt du contrat d'adhésion. D'un autre côté, la Constitution fédérale dit que les hommes et les femmes sont égaux en droit. L'interdiction de discriminer ancrée dans la loi signifie que l'homme et la femme doivent être traités de manière égale dans tous les domaines juridiques et sociaux. Les trois aspects cités à titre d'exemple par le législateur – la famille, l'instruction et le travail – montrent bien que le texte vise surtout les domaines de la vie quotidienne.

         L'objectif poursuivi est l'égalité dans les faits. Toute différence de traitement fondée sur la seule différence de sexe est, en principe, interdite. « Le principe de l'égalité des droits, écrit Claudia Kaufmann (Bureau fédéral de l'égalité), repose sur l'idée que tous les êtres humains, femmes et hommes, ont la même dignité et la même valeur et qu'il faut en conséquence leur accorder la jouissance des mêmes droits. L'accent est mis sur l'équivalence des sexes et non sur leur similitude ». On peut dès lors imaginer qu'une plainte pour discrimination envers les femmes pourrait être déposée devant une cour civile.  

XI.     La politique des primes des grandes compétitions suisses  

         Les cinq plus importantes courses pédestres suisses sur route sont, par ordre d'importance :

1.  La Course de l'Escalade (15 048 personnes)Contrairement aux autres épreuves citées, l'Escalade ne prévoit pas le même nombre de km pour les hommes (7,25) que pour les femmes (4,7). Les primes sont égales jusqu'au 3e rang ; elles sont ensuite plus basses pour les femmes. Le nombre d'athlètes récompensés est plus important chez les hommes que chez les femmes (30/10).

Rang

Hommes

Femmes

1er

2500

2500

2e

1500

1500

3e

1000

1000

4e

900

500

5e

800

400

6e

700

300

7e

600

250

8e

500

200

9e

400

150

10e

300

100

11e-15e

250

-

16e-20e

200

-

21e-25e

150

-

26e-30e

100

-

2.  Le Grand Prix de Berne (12 078 personnes)Les hommes reçoivent des primes plus élevées ; ils sont aussi plus nombreux que les femmes à être récompensés (15/8).

Rang

Hommes

Femmes

1er

2000

2000

2e

1500

1200

3e

1200

700

4e

700

500

5e

600

400

6e

500

300

7e

400

200

8e

300

100

9e

200

-

10e

100

-

11e

100

-

12e

100

-

13e

100

-

14e

100

-

15e

100

-

3.  Les 20 km de Lausanne (10 313 personnes)Les primes sont égales pour les deux sexes jusqu'à la 5e place ; le nombre d'athlètes récompensés est plus important chez les hommes que chez les femmes (8/5).

Rang

Hommes

Femmes

1er

1000

1000

2e

700

700

3e

600

600

4e

500

500

5e

400

400

6e

300

-

7e

200

-

8e

100

-

4.  Morat-Fribourg (6'494 personnes)Les primes sont égales pour les deux sexes et le nombre d'athlètes récompensés est le même dans les deux catégories (10/10). Pourtant, Morat-Fribourg a été, dans les années 70, l'un des endroits chauds du combat féminin pour le droit à la compétition (note 5). Morat-Fribourg constitue donc un cas de figure intéressant: il y a 25 ans, les organisateurs postaient des commissaires le long du parcours pour expulser les femmes du peloton. Et voici que l'épreuve se distingue aujourd'hui comme l'une des moins sexistes du pays! Les premières primes d'arrivée, introduites en 1982, étaient en effet très défavorables aux femmes :

Rang

Hommes

Femmes

1er

2500

700

2e

2000

400

3e

1500

200

4e

500

---

5e

400

---

6e

200

---

7e

100

---

La situation actuelle est toute différente :

Rang

Hommes

Femmes

1er

1500

1500

2e

1000

1000

3e

800

800

4e

700

700

5e

600

600

5.  Le Marathon de Lausanne (5 423 personnes)

Plus de 50% de différence entre les primes attribuées aux trois premiers et aux trois premières ; davantage d'hommes primés que de femmes (8/5).  

XIII.  Les primes d'arrivée en général en Suisse

Sierre-Zinal. Les primes sont égales pour les deux sexes et le nombre d'athlètes récompensés est identique dans les deux catégories. Les organisateurs attribuent également des primes en fonction du temps réalisé (p. ex. 1500 francs pour les hommes qui courent en moins de 2 :30 et les femmes qui courent en moins de 3 :00).

Rang

Hommes

Femmes

1er

1000

1000

2e

700

700

3e

400

400

4e

300

300

5e

200

200

Semi-marathon de Schwytz. Les primes sont égales et le nombre d'athlètes récompensés est identique dans les deux catégories.

Rang

Hommes

Femmes

1er

300

300

2e

250

250

3e

200

200

4e

150

150

5e

100

100

6e

80

80

Zürcher Unterländer halbmarathon (Embach). Pas de prix en argent. 

Marathon et semi-marathon de Tenero. Dans l'épreuve des 42 km, les hommes reçoivent des primes plus élevées et ils sont plus nombreux que les femmes à être récompensées (10/5). La gagnante reçoit déjà 30% de moins que le gagnant. Cependant, au semi-marathon, la première gagne autant que le premier !  Primes pour les 42 km :

Rang

Hommes

Femmes

1er

600

400

2e

400

200

3e

200

100

4e

100

100

5e

100

100

6e

100

-

7e

100

-

8e

100

-

9e

100

-

10e

100

-

Primes pour le semi-marathon :  

Rang

Hommes

Femmes

1er

300

300

2e

200

200

3e

100

100

4e

100

-

5e

100

-

Semi-marathon de Campione. Les femmes qui montent sur le podium reçoivent 25% de moins que les hommes (4500 francs à la première, contre 3000 francs au premier…). Le nombre d'athlètes récompensés est plus important chez les hommes que chez les femmes (20/15).

Marathon de Bâle. Pas de montants communiqués. Les primes sont établies en fonction du temps (2 :30 pour les hommes, 2 :52 pour les femmes). Le nombre d'athlètes récompensés est plus important chez les hommes que chez les femmes (15/5).

Kerzerslauf. Les primes sont égales pour les deux sexes, mais le nombre d'athlètes récompensés est plus important chez les hommes que chez les femmes (29/10).

Rang

Hommes

Femmes

1er

1500

1500

2e

1000

1000

3e

500

500

4e

200

200

5e

200

200

6e au 7e

150

150

8e au 10e

100

100

11e au 20e

50

-

 

Semi-marathon de l'enfer du Schilthorn.

Rang

Hommes

Femmes

1er

500

500

2e

300

300

3e

200

200

4e

prix en nature

prix en nature

Swiss Alpine Post marathon. Pour les deux parcours de l'épreuve (42 et 78 km), les primes sont égales pour les deux sexes et le nombre d'athlètes récompensés est le même dans les deux catégories.

Rang

Hommes
78 km
            42 km

Femmes 78 km/42 km

1er

4000            2500

4000            2500

2e

2000            1200

2000            1200

3e

1000            600

1000            600

4e

600               ---

600               ---

5e

300               ---

300               ---

    6e au 10e       prix en nature/---            prix en nature/---

Semi-marathon de Nidau. Cette année, pour la première fois, des primes récompenseront les trois premiers de chaque catégorie ; elles seront égales pour les hommes et les femmes (70, 40 et 25).

LGT Alpin Marathon. Les primes sont égales pour les deux sexes et le nombre d'athlètes récompensés est le même dans les deux catégories (3/3).

Jungfrau Marathon. Aucune information ne nous a été communiquée sur le montant des primes.

  Semi-marathon de Payerne. Les primes sont égales et le nombre d'athlètes récompensés est le même dans les deux catégories. Les organisateurs offrent en outre une prime pour le record de l'épreuve (1500).

Rang

Hommes

Femmes

1er

500

500

2e

300

300

3e

200

200

XIV.     Les primes d'arrivée en général dans le monde  

Marathon de Paris. Les primes sont égales pour les deux sexes jusqu'au 3e rang; la quatrième gagne déjà 50% de moins que le quatrième.

Rang

Hommes

Femmes

1er

150.000 FF

150.000 FF

2e

120.000

120.000

3e

90.000

90.000

4e

60.000

30.000

5e

50.000

30.000

6e

30.000

15.000

7e

20.000

10.000

8e

15.000

7.000

9e

10.000

5.000

10e

5.000

3.000

Semi-marathon de Paris. Difficile de dire à quelle sauce les marathoniennes sont mangées: l'organisateur ne nous a communiqué que les primes destinées au podium.

Rang

Hommes

Femmes

1er

30.000 FF

30.000 FF

2e

20.000

20.000

3e

10.000

10.000

Semi-Marathon de l'Humanité. Les primes, calculées en fonction du temps réalisé et du rang, sont plus basses pour les femmes. Si un chrono de 1 :10: 00 pour une femme est considéré comme équivalent à 1 : 01 :18 pour un homme, les primes correspondantes sont respectivement de 20 000 FF et 25 000 FF. Aucun changement n'est prévu pour l'édition 2001. Seule la catégorie vétéran bénéficie de l'égalité des primes: mêmes montants (de 500 FF à 100 FF) et même nombre d'athlètes récompensés (5/5). Autrement dit, les femmes ne méritent les mêmes primes que les hommes que lorsqu'elles sont en âge de courir dans la catégorie des vétérans.

Marathon et semi-marathon de Marseille. Les primes sont égales jusqu'à la 5e place.

Rang

Hommes

Femmes

1er

6.000 FF

6.000 FF

2e

4.000

4.000

3e

3.000

3.000

4e

2.000

2.000

5e

1.500

1.500

6e

1.000

700

7e

800

600

8e

700

500

9e

600

500

10e

500

500

Au semi-marathon, les primes sont égales et le nombre d'athlètesrécompensés est le même dans les deux catégories :

Rang

Hommes

Femmes

1er

4.000 FF

4.000 FF

2e

3.000

3.000

3e

2.000

2.000

4e

1.000

1.000

5e

800

800

Marathon de La Rochelle. Les primes sont égales jusqu'au 5e rang ; le nombre d'athlètes récompensés est plus important chez les hommes que chez les femmes (20/5). L'organisateur, auquel on prête une réputation de pionnier en France en matière d'égalité des primes hommes/femmes, a le mérite d'affirmer : « Le marathon de La Rochelle, loin d'avoir atteint la parité, met tout en œuvre pour y arriver ».

Rang

Hommes

Femmes

1er

15.000 FF

15.000 FF

2e

11.000

10.000

3e

9.000

9.000

4e

5.500

5.500

5e

3.000

3.000

6e - 10e

1500

-

11e - 20e

800

 

Dans la catégorie vétérans, les primes sont égales jusqu.au 3e rang :

Rang

Hommes

Femmes

1er

6.000 FF

6.000 FF

2e

4.500

4.500

3e

3.000

3.000

4e

1.500

-

5e

800

-

Marjevols-Mende. Cette course qui subordonne l'attribution de certaines primes à la possession de la nationalité française (alors que le marathon de Reims a été condamné pour une telle pratique) accorde la parité hommes/femmes jusqu'à la 4e place. Le nombre d'athlètes récompensés est plus important chez les hommes que chez les femmes (50/25). Les primes sont cumulables avec des grilles nationales, régionales et départementales, dont les montants sont systématiquement inférieurs pour les femmes.

Rang

Hommes

Femmes

1er

20.000.FF

20.000 FF

2e

15.000

15.000

3e

12.000

12.000

4e

9.000

9.000

5e

8.000

7.000

6e

7.500

5.500

7e

7.000

4.700

8e

6.500

4.200

9e

6.100

3.700

etc. C'est dans la catégorie « vétérans » que les femmes sont le plus mal loties : la première gagne 2500 FF alors que le premier touche 6000 FF.  

Marathon de Lyon. Aucune information communiquée. Néanmoins, un courrier des lecteurs dans le magazine français Jogging International révèle que « le nombre de femmes récompensées sur le marathon est de moins en moins important au fil des ans. En l'an 2000, seule la première femme a été récompensée (prime de 10 000 FF), alors que 17 hommes l'étaient ; dont 40 000 FF au premier ».

Marathon de Rome. Les primes sont égales et le nombre d'athlètes récompensés est le même dans les deux catégories:

Rang

Hommes

Femmes

1er

25.000.000 lires

25.000.000 lires

2e

15.000.000

15.000.000

3e

8.000.000

8.000.000

4e

4.000.000

4.000.000

5e

3.000.000

3.000.000

6e

2.000.000

2.000.000

7e

1.500.000

1.500.000

8e  au 10e

1.000.000

1.000.000

Marathon de Turin. La première gagne déjà 50% de moins que le premier, un record dans le genre !

Rang

Hommes

Femmes

1er

30.000.000 lires

15.000.000 lires

2e

20.000.000

10.000.000

3e

13.000.000

8.000.000

4e

10.000.000

5.000.000

5e

7.000.000

3.000.000

6e

6.000.000

2.000.000

7e

5.000.000

-

8e

4.000.000

-

9e

3.000.000

-

10e

2.000.000

-

Dans la catégorie « handicapés », les femmes sont un peu mieux loties :

Rang

Hommes

Femmes

1er

1.000.000 lires

1.000.000 lires

2e

750.000

500.000

3e

500.000

300.000

La logique turinoise veut que les femmes aient droit à l'égalité des primes uniquement lorsqu'elles courent dans la catégorie « plus de 40 ans » :

Rang

Hommes

Femmes

1er

3.000.000 lires

3.000.000 lires

2e

2.000.000

2.000.000

3e

1.000.000

1.000.000

Les Turinois prévoient en outre des primes pour les hommes de nationalité italienne, allant de 1.500.000 à 300.000 lires. Cela n'empêche pas les Africains de gagner (quatre Kenyans et deux Ethiopiens sur les six premiers le 26 mars 2000).

Marathon et semi-marathon de Naples. La logique des Napolitains n'est pas mal non plus : les femmes n'ont pas droit à l'égalité des primes, sauf si elles sont handicapées. Les primes pour les participants valides sont fixées comme suit:

Rang

Hommes

Femmes

1er

12.000.000 lires

8.000.000 lires

2e

8.000.000

5.000.000

3e

5.000.000

2.000.000

4e

2.000.000

1.000.000

5e

1.500.000

500.000

6e

1.000.000

400.000

7e

700.000

300.000

8e

600.000

250.000

9e

500.000

200.000

10e

400.000

150.000

11e  - 15e

300.000

100.000

16e - 20e

200.000

100.000

21e - 30e

100.000

-

31e - 50e

50.000

-

Et pour les handicapé(e)s, comme suit:

Rang

Hommes

Femmes

1er

      400.000 lires

      400.000 lires

2e

200.000

200.000

3e

100.000

100.000

4e

50.000

50.000

Cesane Boscone (Milan). Les hommes reçoivent des primes plus élevées ; ils sont aussi plus nombreux que les femmes à être récompensés (50/30)

Rang

Hommes

Femmes

1er

12.000 lires

8.000.000 lires

2e

8.000.000

5.000.000

3e

5.000.000

2.500.000

4e

2.500.000

1.000.000

5e

1.500.000

800.000

6e

1.000.000

800.000

7e

800.000

300.000

8e

700.000

200.000

9e

500.000

200.000

10e

500.000

200.000

11e

400.000

100.000

etc. Idem dans la catégorie « handicapés » :

Rang

Hommes

Femmes

1er

1.500.000 lires

1.000.000

2e

1.000.000

500.000

3e

500.000

300.000

4e

300.000

-

5e

200.000

-

En ce qui concerne les primes au temps, les montants sont tantôt supérieurs pour les hommes, tantôt égaux, tantôt supérieurs pour les femmes (!), suivant une logique propre à l'organisateur :

Hommes

 

Femmes

 

2 :09 :59 et moins =

15.000.000 lires

2 :27 :59   et moins =

15.000.000

2 :10.29 - 2 :10 :00 =

12.000.000

2 :28 :59 - 2 :28 :00 =

10.000.000

2 :10 :59 - 2 :10 :30 =

 8.500.000

2 :29 :29 - 2 :29 :00 =

8.500.000

2 :11 :59 - 2 :11 :00 =

7.000.000

2 :29 :59 - 2 :29 :30 =

7.000.000

2 :12 :59 - 2 :12 :00 =

5.000.000

2 :30 :59 - 2 :30 :00 =

5.000.000

2 :13 :59 - 2 :13 :00 =

3.000.000

2 :31 :59 - 2 :31 :00 =

3.000.000

2 :15 :59 - 2 :14 :00 =

1.500.000

2 :33 :59 - 2 :32 :00 =

2.000.000

2 :17 :59 - 2 :16 :00 =

800.000

2 :35 :59 - 2 :34 :00 =

1.000.000

2 :19 :59 - 2 :18 :00 =

400.000

2 :37 :59 - 2 :36 :00 =

800.000

2 :22 :00 - 2 :20 :00 =

200.000

2 :39 :59 - 2 :38 :00 =

600.000

Maratona d'Italia Enzo Ferrari. Les primes sont égales seulement pour les trois premiers rangs. Aucune indication sur les primes suivantes. Le nombre d'athlètes récompensés est plus important chez les hommes que chez les femmes (10/6), « du fait que la participation masculine est nettement supérieure ».

Marathon de Berlin. C'est un peu décevant: ce marathon, l'un des plus mieux famés du monde, n'accorde l'égalité des primes que jusqu'au 2e rang. Le nombre d'athlètes récompensés est légèrement plus important chez les hommes que chez les femmes (10/8). Chez les skaters, en revanche, les primes sont égales jusqu'au 3e rang. Pourquoi l'égalité dans la compétition de skate et pas dans celle du marathon ? Quant aux bonus, ils sont identiques pour les deux sexes dans les deux épreuves.

Marathon pédestre :

Rang

Hommes

Femmes

1er

50.000.DM

50.000 DM

2e

25.000

25.000

3e

20.000

15.000

4e

15.000

8.000

5e

10.000

4.000

6e

5.000

3.000

7e

4.000

2.000

8e

3.000

1.000

9e

2.000

-

10e

1.000

-

Skate :

Rang

Hommes

Femmes

1er

7.825 DM

7.825 DM

2e

3.910

3.910

3e

2.345

2.345

4e

1.760

1.565

5e

1.370

980

etc.  

 Marathon de Frankfort. Les organisateurs n'ont pas encore tout à fait finalisé la grille de rémunération de l'édition 2001. Les primes seront, comme lors des précédentes éditions, égales pour les deux sexes. Elles dépendent du chrono et du rang. Un résultat inférieur à 2 :10 pour le premier et à 2 :28 pour la première donne droit à une récompense de 25.000 euros; un dépassement entraîne une réduction de 50% de la prime. La grille se décline comme suit:

Rang

Hommes

Femmes

1er

25.000 euros

25.000 euros

2e

15.000

15.000

3e

12.000

12.000

4e

6.000

6.000

5e

5.000

5.000

6e

4.000

4.000

etc.

Marathon de Hambourg. Les primes du "Hansaplast marathon", qui figure dans le Top 10 mondial, sont égales jusqu'à la 3e place. Le nombre d'athlètes récompensés est légèrement plus important chez les hommes que chez les femmes (10/8).

Rang

Hommes

Femmes

1er

25.000 DM

25.000 DM

2e

15.000

15.000

3e

10.000

10.000

Les montants des primes suivantes ne nous ont pas été communiqués.

Marathon de Londres. Les primes sont égales jusqu'à la 3e place. Le nombre d'athlètes récompensés est légèrement plus important chez les hommes que chez les femmes (12/10).

Rang

Hommes

Femmes

1er

55.000 $

55.000 $

2e

30.000

30.000

3e

22.500

22.500

4e

15.000

10.000

5e

10.000

7.500

6e

7.500

5.000

7e

5.000

3.500

8e

4.000

2.500

9e

3.000

1.500

10e

2.000

1.000

11e

1.500

-

12e

1.000

-

 

Marathon de Madrid. Aucune indication sur les primes, si ce n'est qu'elles concernent les 200 premiers et les 25 premières.  

Marathon de Valence. Les primes sont identiques pour les deux sexes et lenombre d'athlètes récompensés est égal dans les deux catégories (15/15). Aucun montant n'a cependant été précisé.

Marathon et 15 km d'Istanbul. Pour les 42 km, les primes ne sont égales que jusqu'au 4e rang et les hommes sont plus nombreux que les femmes à être récompensés (10/4) :

Rang

Hommes

Femmes

1er

20.000$

20.000$

2e

15.000

15.000

3e

10.000

10.000

4e

3.000

3.000

5e

1000

-

6e

900

-

7e

800

-

8e

700

-

9e

600

-

10e

500

-

Mais dans l'épreuve des 15 km, les primes sont égales et le nombre d'athlètes récompensés est le même dans les deux catégories :

Rang

Hommes

Femmes

1er

1.000$

1.000$

2e

750

750

3e

500

500

4e

300

300

5e

200

200

  Chicago. Ce marathon mythique, dépositaire du record mondial masculin, pratique l'égalité des primes et récompense un nombre identique d'athlètes dans les deux catégories :

Rang

Hommes

Femmes

1er

75.000 $

75.000 $

2e

45.000

45.000

3e

35.000

35.000

4e

20.000

20.000

5e

15.000

15.000

6e

10.000

10.000

7e

7.500

7.500

8e

5.000

5.000

9e

3.000

3.000

10e

2.000

2.000

La parité vaut également pour les catégories « plus de 40 ans » et« handicapés ».

  New-York. Même remarque pour le marathon le plus célèbre du monde :

Rang

Hommes

Femmes

1er

65.000 $

65.000 $

2e

30.000

30.000

3e

15.000

15.000

4e

10.000

10.000

5e

7.500

7.500

6e

5.000

5.000

En ce qui concerne les récompenses décernées en fonction du temps réalisé, les femmes ont même droit à certaines « largesses » dès la sixième prime :

Hommes  

  Femmes

Moins de 2 :07 :00 =

65.000 $

Moins de 2 :22 :00 =

65.000 $

Moins de 2 :07 :30 =

60.000

Moins de 2 :23 :00 =

60.000

Moins de 2 :08 :01 =

50.000

Moins de 2 :23 :30 =

50.000

Moins de 2 :08.30 =

40.000

Moins de 2 :24 :00 =

40.000

Moins de 2 :09 :00 =

35.000

Moins de 2 :24 :40 =

35.000

Moins de 2 :10 :00 =

20.000

Moins de 2 :25 :00 =

30.000

Moins de 2 :11 :00 =

10.000

Moins de 2 :26 :00 =

25.000

Moins de 2 :11 :30 =

7.000

Moins de 2 :27 :00 =

15.000

Moins de 2 :12 :00 =

5.000

Moins de 2 :28 :00 =

12.500

Moins de 2 :13 :00 =

3.000

Moins de 2 :29 :00 =

8.000

-

 

Moins de 2 :30 :00 =

5.000

Marathon de Vancouver. Suivant la « norme » nord-américaine, les organisateurs pratiquent la parité des primes :

Rang

Hommes

Femmes

1er

3000 $

3000 $

2e

1000

1000

3e

500

500

Des primes au rang sont également prévues ; leurs montants sont identiques pour les deux sexes.

3 M half-marathon & Relay (Austin). Même remarque.

Rang

Hommes

Femmes

1er

500 $

500 $

2e

300

300

3e

150

150

4e

125

125

5e

100

100

Fait exceptionnel, les handicapé(e)s ont droit aux mêmes primes que les « valides » :

Rang

Hommes

Femmes

1er

500 $

500 $

2e

300

300

3e

150

150

4e

125

125

5e

100

100

 

Marathon olympique américain (USA uniquement). Une exception que l'on pourrait qualifier de rigolote : les femmes reçoivent plus que les hommes du 2e au 14e rang (de 500$ à 5000$ de plus !). Le premier gagne tout de même 5000$ de plus que la première (il ne faut rien exagérer).

Rang

Hommes

Femmes

1er

40.000 $

35.000 $

2e

25.000

30.000

3e

20.000

25.000

4e

17.000

18.000

5e

15.000

16.000

etc. jusqu'à la 15e place où, mystère de la logique américaine, les primes sont les mêmes pour les deux sexes. Du 16e au 19e rang, les hommes gagnent davantage que les femmes (de 250$ à 500$ de plus). Pour le dernier rang rémunéré, les deux sexes ont de nouveau droit à la parité.

Marathon des deux océans (Afrique du Sud). Dans un pays qui a pratiqué l'apartheid, les primes hommes/femmes sont égales et le nombre d'athlètes récompensés est le même dans les deux catégories (58/58).

Rang

Hommes

Femmes

1er

R 100.000

R 100.000

2e

R 50.000

R 50.000

3e

R 25.000

R 25.000

XV. Conclusion

           Lorsqu'on aborde le sujet de l'inégalité des primes dans les marathons, il est courant d'observer les réactions suivantes : le déni : « ce n'est pas vrai, tout cela c'est du passé, aujourd'hui les femmes sont à traitées d'égal à égal avec les hommes ». Cette réponse est pratiquement « réflexe » chez les personnes qui croient que les inégalités hommes/femmes ont disparu avec l'octroi du droit de vote aux femmes (mythe de l'égalité) ; c'est souvent le cas chez les jeunes. la rationalisation : « c'est normal, les hommes sont plus rapides, ils sont plus nombreux que les femmes, etc. ». Tout le monde finit cependant par reconnaître que « les organisateurs ont le droit de faire ce qu'ils veulent ». Et c'est bien ce qu'ils font. En réalité, il s'agit d'un problème moral et politique, car des intérêts personnels sont en jeu. C'est un peu comme deux artistes qui dessinent une tableau. Le premier dit : « J'ai fait cette partie ; c'est la plus difficile, donc je mérite d'être payé plus que toi ». Mais l'autre réfléchit et répond : « Pas du tout, j'ai dessiné cette partie-là, je mérite tout autant ».

           La seule solution consiste à aborder le problème sous son angle véritable : ce que nous faisons a-t-il la même valeur ?

Francesca Sacco

NOTES 

           1) Toute considération sur la participation des femmes aux marathons, basée sur le nombre de personnes classées, doit tenir compte du fait que toutes celles qui franchissent la ligne d'arrivée après les 5 ou 6 heures fatidiques ne sont plus enregistrées; elles auraient tout aussi bien pu abandonner. Curieusement, en examinant les classements du marathon de Berlin (le seul qui nous ait communiqué des statistiques complètes), on constate que, malgré le temps limite qui favorise largement les hommes (6 heures), ceux-ci sont moins nombreux que les femmes, aussi bien en chiffres absolus que proportionnellement, à réussir à se classer, soit qu'ils aient dépassé le temps limite, soit qu'ils aient effectivement abandonné. Cette observation est valable pour toutes les années passées sous revue (de 1993 à 2000). Les hommes sont également environ 6 fois plus nombreux que les femmes à s'inscrire au marathon de Berlin, mais à ne pas prendre le départ. Là aussi, la différence s'observe aussi bien en chiffres absolus que proportionnellement (quelque 3000 défections chez les hommes, contre 500 chez les femmes en 1999).

           2) Si l'on considère les 50 meilleures performances mondiales de l'année 2000 sur marathon, on trouve un écart de +4 minutes entre le 1er et le 50e résultat masculin, contre un écart de +8 minutes entre le 1er et le 50e meilleur résultat féminin. De même, en ce qui concerne les 100 km, il existe un écart de +11 minutes entre le 1er et le 10e meilleur résultat masculin de l'an 2000, contre un écart de +23 minutes entre le 1er et le 10e meilleur résultat féminin. En d'autres termes, les performances baissent plus vite au fil du classement chez les femmes.

           En revanche, l'écart moyen entre les meilleurs résultats masculins et les meilleurs résultats féminins est constant : +16 minutes pour le marathon et +1 :10 pour les 100 km.

           En examinant les résultats des grands marathons internationaux, on constate également que, lorsque les résultats masculins sont moyens, le niveau des performances féminines est comparativement plus mauvais que dans les marathons où les hommes réalisent de bons résultats.    
       L'écart entre le premier et la première passe alors à plus de 20 mn. A Athènes, par exemple, où le premier arrive en 2 :20 :50, la première pointe à 2 :53 :00 et la seconde à plus de 3 heures ! Idem au marathon de Malte, où le premier termine en 2 :21 et la première en 2 :53. La troisième boucle en 3 :10 !
            Pour rappel, l'écart approximatif entre le premier et la première est de +14 min à Berlin, +15 mn à New-York et de +17 mn à Boston. A Lausanne, considéré comme un parcours plutôt lent, l'écart est de +22 mn environ.

           3) Les marathons féminins (Japon) sont très rapides : A Nagoya, le 12 mars 2000, la première est arrivée en 2 :22, la sixième en 2 :29 et la dixième en 2 :33 !. A Osaka, le 30 juin 2000, la première est arrivée en 2 :22 et la septième en 2 :29, etc.

           4) Avant le procès, la grille de rémunération hommes/femmes se présentait comme suit:

Rang

Hommes

Femmes

1er

50.000 FF

30.000 FF

2e

30.000

20.000

3e

25.000

15.000

4e

20.000

10.000

etc., avec, au total, 20 hommes récompensés, contre 15 femmes.  

           5) Le 3 octobre 1971, Marijke Moser est remarquée dans le peloton. Les « clandestines » se feront de plus en plus nombreuses au fil des ans. Le 1er octobre 1972, Kathy Switzer vient tout spécialement des Etats-Unis pour participer à Morat-Fribourg. Au vétéran qui lui promet qu'elle sera arrêtée par la police si elle prend le départ, elle répond : « Pour m'expulser, il faudra pouvoir courir plus vite que moi ! ». Les dossards artisanaux portés par les « clandestines » dérèglent la machine électronique, qui fait une indigestion de faux numéros. Pour la première fois, les résultats ne sont pas prêts dans les délais habituels. Les organisateurs décident alors de planifier l'admission des femmes pour 1977. Reste donc à attendre... cinq ans, pendant lesquels elles continueront à courir clandestinement, bravant les commissaires postés le long du parcours. L'épreuve leur sera effectivement ouverte en 1977.  

Retour